L’expérimentation numérique dans la science

Enrico Fermi, John Pasta, Stanislas Ulam & Mary Tsingou

(photo : Ordinateur Maniac I)

A Los Alamos, au début des années 1950, Enrico Fermi, John Pasta et Stanislas Ulam proposent un modèle pour comprendre l’évolution vers l’équilibre thermique dans un cristal. Leur modèle est suffisamment simple pour être étudier avec un ordinateur de l’époque.

Enrico Fermi
John Pasta
Mary Tsingou

Il s’agit d’une chaîne unidimensionnelle de masses identiques reliées entre elles par des ressorts. Quand on écarte une masse de sa position d’équilibre, elle subit une force de rappel qui n’est pas proportionnelle à la distance au point d’équilibre. Ce modèle est différent de celui étudié dans les cours de physique où il y a proportionnalité (on parle de chaîne « harmonique » d’oscillateurs, ce qui rend le modèle « linéaire » et donc résoluble). Même la faible « anharmonicité » introduite par Fermi, Pasta et Ulam rend le modèle très compliqué et nécessite son exploration par une expérience numérique, sans doute la première du genre. Ils considèrent 16, 32 puis 64 masses.
À leur grande surprise, ils découvrent que le système, au lieu de tendre vers l’équipartition de l’énergie (synonyme de thermalisation), présente au contraire des solutions quasi-périodiques, en contradiction avec l’hypothèse ergodique qu’on pensait alors vérifiée dans ce cas.

En 1955, ils écrivent un rapport interne dans lequel ils mentionnent que l’écriture de l’algorithme et la programmation du MANIAC I furent la tâche de Mary Tsingou (et à la rédaction duquel Fermi n’a pas participé à cause de sa mort prématurée en 1954).
Ces expériences ouvrirent la voie à toute une classe de problèmes nouveaux concernant les systèmes dynamiques non ergodiques et sont le point de départ de ce qui est maintenant une discipline à part entière : la physique numérique, qu’on peut considérer comme une branche intermédiaire entre la physique théorique et la physique expérimentale.