Nous revenons aux proies et aux prédateurs. Nous avons précédemment étudié un modèle de base pour l’interaction entre les requins et les sardines, à savoir .
$$ \begin{cases} \dot{x}= x(1-x) - xy\\ \dot{y}=\beta y ( x-\alpha) \end{cases} $$
où $x$ représente la densité de sardines, $y$ la densité de requins, et $\alpha,\beta$ sont des paramètres positifs. Nous avons observé et prouvé qu’il ne peut y avoir de cycles limites dans ce modèle, ce qui signifie que les populations de requins et de sardines ne peuvent pas osciller périodiquement de manière robuste.Une question naturelle se pose : quels facteurs biologiques créent des cycles limites dans un modèle proie-prédateur ? L’inclusion d’une réponse plus réaliste de ce que les écologistes appellent la "réponse fonctionnelle" est l’un de ces facteurs. La réponse fonctionnelle est la vitesse à laquelle chaque prédateur capture ses proies. Dans le modèle ci-dessus, la réponse fonctionnelle est une fonction linéairement croissante de la densité des proies, ce qui signifie que les prédateurs ne sont pas rassasiés ! Une façon simple de remédier à cela est de prendre une réponse fonctionnelle de la forme
$$ \frac{cx}{a+x} $$
où $a,c$ sont des paramètres positifs.
Cette modification conduit au modèle suivant, que nous mettons sous une forme non dimensionnelle :
$$ \begin{cases} \dot{x}= x\left( 1-\frac{x}{\gamma}\right) - \frac{xy}{1+x}\\ \dot{y}=\beta y\left( \frac{x}{1+x}-\alpha\right) \end{cases} $$
où $\alpha,\beta,\gamma$ sont des paramètres positifs. Ce modèle a été introduit par Rosenzweig et McArthur.Invariance du quadrant positif. Nous ne nous intéressons qu’au quadrant positif pour la raison évidente que les densités de population sont des nombres non négatifs. Pour que le modèle soit bien défini, nous devons donc vérifier qu’en partant du quadrant positif, nous avons $(x(t),y(t))$ qui y restent pour tout $t>0$. Nous avons
$$
\frac{\dot{x}}{x} = \frac{\text{d}}{\text{d} t}\ln x=1-\frac{x}{\gamma} -\frac{y}{1+x}.
En intégrant les deux côtés du temps $0$ au temps $t$, on obtient
$$ x(t)=x_0 \, \exp\left( \int_0^t \left(1-\frac{x(s)}{\gamma} -\frac{y(s)}{1+x(s)}\right) \mathrm{d}s\right). $$
On en déduit que si $x_0=0$, alors $x(t)=0$ pour tout $t>0$, et que si $x_0>0$, alors $x(t)>0$.pour tout $t>0$. On obtient la même conclusion pour $y$. Ceci prouve plus que l’invariance
du quadrant positif : elle prouve l’invariance de son intérieur et celle de sa frontière.
Avant de jouer avec le modèle, déterminons les nullclines et les points fixes.
Nullclines.
En fixant $\dot{x}=0$, on trouve les $x$-nullclines :
$$ x=0\quad\text{and}\quad y=g(x)=(1+x)\left( 1-\frac{x}{\gamma}\right) $$
où nous avons introduit la fonction $g(x)$ pour plus de commodité. Cette fonction est une parabole dont le pic est atteint pour$$ \frac{\gamma-1}{2}. $$
En fixant $\dot{y}=0$, on trouve les paraboles $y$ :$$ y=0\quad\text{and}\quad x=\frac{\alpha}{1-\alpha}. $$
Points fixes
Pour toutes les valeurs des paramètres, $(0,0)$ et $(\gamma,0)$ sont des points fixes. Le premier correspond à l’absence des deux populations. Le second correspond à l’absence de prédateurs, alors que les proies ont une densité $\gamma$. Il existe éventuellement un troisième point fixe :
$$ (\bar{x}, g(\bar{x})) $$
où$$ \bar{x}=\frac{\alpha}{1-\alpha}. $$
Comme les densités de population sont des nombres positifs, ce point fixe n’est pertinent que si $\bar{x}\leq \gamma$. Cette condition signifie simplement que les lignes nulles $x=\alpha/(1-\alpha)$ et $y=g(x)$ se coupent à l’intérieur du quadrant positif.On suppose en outre que $\alpha<1$, car sinon toutes les solutions partant de densités initiales strictement positives tendent vers $(\gamma,0)$.
La raison en est simple : pour tout $x>0$, $x/(1+x)<1$, et si $\alpha>1$ alors $\dot{y}<0$, d’où $y(t)$ à $0$ lorsque $t$ à $+\infty$. Par conséquent, l’équation pour $x$ se réduit à l’équation logistique $\dot{x}=x\left( 1-\frac{x}{\gamma}\right)$, d’où $x(t)$ à $\gamma$ lorsque $t$ à $+\infty$.