À court terme, l’équation $\dot{x} = ax$ avec $a > 0$ permet de modéliser de manière pertinente notre population de bactéries. En effet, on peut raisonnablement supposer que, sur un intervalle de temps suffisamment court, les bactéries ne se gênent pas les unes les autres et que la taille de la population est $\text{e}^{at}x_0$ s’il y a $x_0$ bactéries au temps $0$. Mais avec le temps, une telle croissance exponentielle mènerait à un nombre de bactéries absurdement élevé — dépassant même le nombre d’atomes dans l’univers, si l’on prend le modèle au pied de la lettre !
Pour éliminer cet inconvénient majeur, supposons que le taux de mortalité n’est plus constant mais égal à $dx$, donc s’il y a $x$ bactéries, leur nombre augmente à un taux $dx^2$. Pour les naissances, supposons un taux de reproduction constant $b$, de sorte que s’il y a $x$ bactéries, leur nombre augmente à un taux $bx$. Nous obtenons ainsi l’équation dite logistique
$$ \dot{x}=bx-dx^2.$$
Il s’agit d’une équation différentielle pour laquelle on connaît une solution explicite.Mais au lieu de résoudre l’équation, voyons ce que l’on peut en tirer directement par une approche graphique. L’idée est de tracer $\dot{x}$ en fonction de $x$ ; il s’agit d’une courbe parabolique. Nous ne traçons que $x\geq 0$ puisque cela n’a aucun sens de penser à une population négative (bien que nous puissions en principe étudier l’équation logistique sur toute la droite réelle). De plus, nous dessinons des flèches sur l’axe des $x$ qui pointent vers la droite lorsque $\dot{x}>0$ et vers la gauche lorsque $\dot{x}<0$.
Une façon physique de penser à l’équation logistique consiste à imaginer une particule se déplaçant le long de l’axe $x$ avec une vitesse qui varie d’un endroit à l’autre, selon la règle $\dot{x}=bx-dx^2$. Une particule qui commence en un point $x$ où $\dot{x}=0$ y restera pour toujours. De tels points, appelés points fixes, jouent un rôle crucial.

Nous avons deux points fixes pour l’équation logistique : $\bar{x}=0$ et $\bar{x}=b/d$. Ce sont les points d’intersection de la parabole avec l’axe des $x$. Pour ces valeurs de taille, la taille de la population n’est ni croissante ni décroissante. Puisque $\dot{x}=bx-dx^2$, la condition que $\dot{x}=0$ est équivalente au fait que pour ces deux valeurs spéciales, les taux nets de reproduction/mortalité sont exactement en équilibre. Nous avons donc deux tailles de population auto-entretenues : $\bar{x}=0$ et $\bar{x}=b/d$.
Nous voyons sur le graphique que si nous partons de n’importe quelle taille de population $x_0>0$, elle tendra vers $\bar{x}=b/d$. La quantité $b/d$ est appelée la capacité de charge de la population. A ce stade, nous ne pouvons pas dire si la capacité de charge est atteinte en un temps fini. Nous allons voir que ce n’est pas le cas.