Un premier aperçu à travers des exemples - Chapitre 4

L’oscillateur harmonique

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Considérons maintenant un exemple élémentaire issu de la mécanique classique.

L’oscillateur harmonique est l’exemple le plus simple d’une particule de masse $m$ contrainte de se déplacer sur une droite, que l’on prend comme. l’axe des $x$, soumise à une force $f(x)$ lorsqu’elle se trouve à la position $x$. Supposer que cette force est indépendante de la vitesse $\dot{x}$ revient à exclure le frottement. D’après la deuxième loi de Newton, on a

$$ m \ddot{x}=f(x). $$

Dans le cas de l’oscillateur harmonique, $f(x)=-kx$, où $k=\text{const.}>0$. Le signe moins indique que c’est une force de rappel. Un exemple d’oscillateur harmonique est un ressort obéissant à la loi de Hooke : $x$ représente l’élongation par rapport à sa longueur au repos. En posant $\omega^2=\frac{k}{m}$, l’équation se réécrit

$$ \dot{x}+\omega^2 x =0. $$

(Remarquez que $\omega$ a la dimension d’une fréquence, c’est-à-dire l’inverse d’un temps.)

Cette équation différentielle est dite du second ordre car la fonction inconnue $x(t)$ est définie par une équation impliquant sa dérivée seconde. Vous vous rappelez peut-être comment résoudre analytiquement cette équation en termes de sinus et de cosinus. C’est parce qu’il s’agit d’une équation linéaire. Pour les équations non linéaires, trouver une solution analytique est en général hors de portée. C’est pourquoi nous voulons développer des méthodes pour déduire le comportement d’équations comme celle-ci sans la résoudre explicitement.

Représentation du plan de phase.
Pour appliquer la même stratégie que pour le modèle de Volterra sur les sardines et les requins, nous devons effectuer une étape préliminaire. L’état de notre oscillateur harmonique est caractérisé par deux variables : sa position actuelle $x$ et sa vitesse $\dot{x}$. L’astuce consiste à réécrire l’équation $\dot{x}+\omega^2 x =0$ en termes de $x$ et $y :=\dot{x}$ comme suit :

$$ \begin{cases} \dot{x}= y\\ \dot{y}=-\omega^2 x. \end{cases} $$

La première équation est juste la définition de la vitesse, et la seconde est l’équation différentielle originale écrite en terme de $y$, puisque $\dot{y}=\ddot{x}$.

Ce que nous avons réalisé est de réinterpréter le mouvement d’une masse sur la droite réelle soumise à une force de rappel linéaire comme une particule ponctuelle imaginaire évoluant dans le plan $xy$ selon le champ de vecteurs $(y,-\omega^2 x)$. Nous traitons la vitesse de la masse de l’équation originale comme une deuxième dimension. En particulier, nous pouvons voir l’accélération de manière géométrique, à savoir comme la composante $y$ de la position de la particule dans le plan de phase.

Afin d’avoir un modèle plus réaliste d’un point de vue physique, nous pouvons maintenant tenir compte du fait que la masse subit une force de friction qui est proportionnelle à sa vitesse. Cela conduit à l’équation $\ddot x= -kx -\varepsilon \dot x$, où $\epsilon>0$ est le coefficient de friction. Dans le plan de phase, cela donne

$$ \begin{cases} \dot{x}= y\\ \dot{y}=-\omega^2 x-\epsilon y. \end{cases} $$


Lorsque $\epsilon=0$, on constate que, comme pour le modèle de Volterra, toutes les trajectoires dans le plan de phase sont des courbes fermées, très probablement des ellipses. Quel est le rapport avec le problème initial ? La réponse est d’une grande simplicité. Le point fixe $(x,y)=(0,0)$ correspond à l’équilibre statique du système : la masse est au repos à sa position d’équilibre et y restera pour toujours. Les trajectoires fermées correspondent, comme on peut s’y attendre, à des mouvements périodiques, c’est-à-dire des oscillations de la masse. Si vous connaissez ou vous souvenez de la physique élémentaire, il est facile de montrer pourquoi les trajectoires sont en fait des ellipses données par l’équation $\omega^2 x^2 + y^2=C$, où $C\geq 0$ est une constante déterminée par la position et la vitesse initiales de la masse : ceci est équivalent à la conservation de l’énergie. Cependant, dès que $\epsilon>0$, on constate que les solutions s’enroulent en spirale vers l’origine. L’interprétation est simple : maintenant les trajectoires ne se referment pas car la masse perd un peu d’énergie à chaque instant à cause du frottement.

Systèmes linéaires à deux dimensions.
Terminons par un commentaire mathématique. L’équation

$$ \begin{cases} \dot{x}= y\\ \dot{y}=-\omega^2 x-\epsilon y \end{cases} $$

est un exemple d’un système linéaire à deux dimensions qui est génériquement de la forme

$$ \begin{cases} \dot{x}= ax+by\\ \dot{y}=cx+dy \end{cases} $$

$a,b,c,d$ sont des paramètres réels. Si nous utilisons des caractères gras pour
désigner les vecteurs, ceci peut être écrit de manière plus compacte sous forme matricielle :

$$ \dot{\boldsymbol{x}}=A \boldsymbol{x} $$

$$ A=\begin{pmatrix}a & b\\ c & d\end{pmatrix}\quad\text{and}\quad\boldsymbol{x}=\begin{pmatrix}x\\ y\end{pmatrix}. $$

Pour l’oscillateur harmonique, on a

$$ A=\begin{pmatrix}0 & 1\\ -\omega^2 & -\epsilon\end{pmatrix}. $$

Par la suite, nous verrons comment classer tous les portraits de phase des systèmes linéaires à deux dimensions.