Un premier aperçu à travers des exemples - Chapitre 5

Un nouveau regard sur le pendule

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Considérons le mouvement du pendule idéalisé suivant : un poids de masse $m$ est attaché à une extrémité d’une tige rigide sans masse. L’autre extrémité de la tige est pivotante afin que la masse puisse osciller dans un plan vertical. Nous négligeons à la fois le frottement du pivot et la résistance de l’air.

Le balancement du pendule est gouverné par l’équation

$$ \ddot{\theta}=-\frac{g}{L} \sin \theta $$

$\theta$ est l’angle entre la tige et la verticale orientée vers le bas. Cette équation est obtenue dans tous les manuels de mécanique classique.

Représentation du plan de phase.
Utilisons la même astuce que pour l’oscillateur harmonique en représentant l’état du pendule comme un point du plan de phase $x=\theta$, $y=\dot{\theta}$. On obtient

$$ \begin{cases} \dot{x}= y\\ \dot{y}=-\omega^2 \sin x \end{cases} $$

$\omega^2=\frac{g}{L}$. (Remarquez que $\omega$ a la dimension d’une fréquence.)

Dessinons le portrait de phase !
On peut maintenant s’intéresser aux trajectoires de ce système. Dans l’expérience numérique suivante, on peut tirer la masse de sa position de repos, la laisser tomber (sans vitesse) et voir immédiatement la trajectoire résultante dans le plan de phase. On peut aussi choisir un point dans le plan de phase et voir immédiatement le mouvement du pendule qui en résulte. Si l’on ne prend pas un point sur l’axe $x$, cela signifie que l’on part avec une vitesse non nulle (on donne une impulsion à la masse).

En fait, les points d’équilibre sont $(k\pi,0)$, où $k\in\mathbb{Z}$. L’origine dans le portrait de phase correspond à la position d’équilibre stable du pendule suspendu droit vers le bas. Les points $(\pm k\pi,0)$, $k\in\mathbb{Z}\backslash \{0\}$, correspondent à la position d’équilibre instable où le pendule est droit vers le haut. Limitons-nous aux points $(-\pi,0)$, $(0,0)$, $(\pi,0)$, puisque le portrait de phase est périodique dans la direction $x$ (en translatant horizontalement les points du portrait de phase d’une distance qui est un multiple de $2\pi$, on obtient le même portrait de phase).

Nous observons deux comportements génériques qui se déroulent dans deux régions distinctes :

  • des trajectoires fermées encerclant l’origine, qui décrivent les mouvements périodiques du pendule se balançant d’avant en arrière ;
  • les trajectoires non fermées, qui sont périodiques dans la direction $x$, et qui décrivent les mouvements où la masse tourne sans fin autour du pivot.

Ces deux types de trajectoires sont séparés par une courbe en forme d’œil, appelée la séparatrice. Elle peut être obtenue de manière approchée en lâchant la masse à proximité immédiate de sa position d’équilibre instable, tournée vers le haut.

(Détails)

Remarquez que, mathématiquement, la véritable séparatrice correspond à un ensemble d’états initiaux dont l’aire est nulle dans le plan. Elle correspond à des mouvements exceptionnels tels que le pendule tend vers l’équilibre instable, ce qui prend un temps infini.

Une autre remarque est qu’il est bien connu que l’énergie totale (cinétique + potentielle) est conservée dans ce système, car on néglige les frottements au pivot ainsi que la résistance de l’air. Comme il est montré dans n’importe quel manuel de mécanique classique, on a

$$ \frac{\dot{\theta}^2}{2}-\omega^2(1-\cos\theta)=\text{const}, $$

ce qui signifie que chaque mouvement individuel possède sa propre énergie qui ne change pas dans le temps. Traduit dans notre langage de plan de phase, cela signifie que les trajectoires des solutions dans le plan $xy$ sont des courbes de niveau de la fonction

$$ E(x,y)=\frac{y^2}{2}-\omega^2(1-\cos x). $$


Le pendule amorti.
Lorsque l’on ajoute au système du pendule un terme de perturbation pour représenter la friction de l’air, ce qui est plus réaliste d’un point de vue physique, l’énergie n’est plus conservée : elle diminue au cours du temps et on a des oscillations amorties. Nous supposons que la friction est proportionnelle à la vitesse et appelons $\mu$ le coefficient de friction. Cela donne l’équation

$$ \ddot{\theta}=-\omega^2\sin \theta -\mu \dot{\theta}. $$

En passant à la représentation du plan de phase, on obtient donc

$$ \begin{cases} \dot{x}= y\\ \dot{y}=-\omega^2\sin x -\mu y. \end{cases} $$

Nous voyons maintenant que le point d’équilibre $(0,0)$ est un attracteur : toutes les solutions convergent vers ce point. Les trajectoires correspondantes ont un comportement en spirale si $\mu$ n’est pas trop grand. Bien entendu, on retrouve le portrait de phase du pendule non amorti lorsque $\mu=0$.

Approximation linéaire.
À cause de la fonction sinus, l’équation du pendule est non linéaire. Cependant, si l’angle du pendule est très faible par rapport à la verticale, il est alors tentant d’approximer $\sin x$ par $x$, ce qui conduit à .

$$ \begin{cases} \dot{x}= y\\ \dot{y}=-\omega^2 x-\mu y. \end{cases} $$

On obtient la même équation que celle de l’oscillateur harmonique ! Ceci est en accord avec ce que l’on peut voir lorsque l’on compare le portrait de phase de l’oscillateur harmonique à celui du pendule dans un voisinage proche de $(0,0)$.
Nous avons un exemple de ce qu’une approximation linéaire peut nous dire sur un système non linéaire, mais seulement localement autour d’un point d’équilibre ou plus généralement d’un point fixe. Cette approche fera l’objet d’un d\’eveloppement approfondi par la suite.